Politique agricole Tony Blair coincé entre ses partenaires de l'UE et l'opinion britannique
Tony Blair espère un accord sur le budget pour sauver le bilan de sa présidence de l'UE, mais il ne peut céder trop de terrain sur le rabais britannique, considéré comme sacro-saint par l'opinion du pays.
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La pression des 25 est intense sur le Premier ministre britannique, accusé par ses partenaires d'avoir fait échouer en juin un précédent accord sur le financement de l'Union de 2007 à 2013. Le sommet de Bruxelles, jeudi et vendredi, "va être le plus difficile qu'il aura jamais vécu", pronostique Richard Whitman, de l'institut londonien de politique étrangère Chatham House. Tony Blair, dont le pays préside l'UE jusqu'à la fin du mois, devra tout faire pour conclure un accord. Mais en parallèle, ce dirigeant désormais attaché à son héritage politique veut éviter à tout prix de rester dans l'histoire de son pays comme celui qui aura abandonné le rabais obtenu en 1984. Or tous les autres pays européens ont pris pour cible cette ristourne, concédée alors que la Grande-Bretagne était beaucoup moins riche qu'aujourd'hui, et que les dépenses agricoles frisaient les 70% du budget communautaire (42% cette année). En juin dernier, l'accord a échoué sur le refus de M. Blair de débattre du rabais tant que la politique agricole commune (PAC) ne serait pas remise à plat.
Le Royaume-Uni pense plus que jamais que l'argent de l'Europe devrait aller à la recherche, par exemple, plutôt qu'à l'agriculture. Mais il se heurte au refus de la France, appuyée par 12 autres nations, de revenir sur un compromis de 2003 rendant la PAC intouchable pour 10 ans. Pour contourner l'obstacle, Londres a offert lundi dernier d'abandonner, sur six ans, 8 milliards d'euros (soit quelque 5 milliards de livres) de son rabais au profit des dix pays ayant rejoint l'UE en 2004, les "pauvres" de l'Union. Selon l'hebdomadaire économique The Business dimanche, M. Blair s'apprêterait à faire une nouvelle proposition presque identique à celle, consensuelle, formulée par la Commission européenne en octobre. Sa seule exigence serait celle d'un débat en 2009 en vue d'une éventuelle révision de la PAC. "Blair capitule face à l'Europe", "La reddition des 5 milliards", titraient dès la semaine dernière le Sun et le Daily Mail, les deux plus gros tirages du royaume.
Le Sun, un soutien habituel de Tony Blair, accusait en particulier le Premier ministre du crime suprême d'avoir "cédé" au président français Jacques Chirac sur les dépenses agricoles. Pressé de se défendre, M. Blair a expliqué aux Britanniques qu'en toute hypothèse, le montant du rabais allait croître mécaniquement entre 2007 et 2013, à mesure de l'augmentation du budget européen. C'est précisément ce que lui reprochent les autres Européens. Le dirigeant britannique a aussi répété à son opinion publique que si ses propositions étaient acceptées, la contribution du pays au budget de l'Europe serait pour une fois semblable, et non supérieure, à celles de l'Italie et de la France. Il paraît peu entendu pour l'instant. L'une des raisons en est que sa position intérieure est affaiblie.
M. Blair a annoncé que son troisième mandat de Premier ministre, obtenu de haute lutte en mai, serait le dernier, et son autorité apparaît moins respectée, jusque dans les rangs de sa majorité. L'eurosceptique Robert Oulds, du Groupe de Bruges, souligne de son côté que "le problème vient de ce que Tony Blair avait assuré en juin qu'il n'abandonnerait pas le rabais tant que la PAC, qui est la raison à l'origine de ce rabais, ne serait pas réformée". Abandonner le rabais, poursuit-il, "serait une grande défaite" pour Tony Blair, et le faire alors que Londres préside l'UE signalerait "une plus grande faiblesse encore". "La question de l'intérêt national doit être soigneusement définie", estime en revanche David Stephen, du Mouvement Européen (europhile) au Royaume-Uni: "A mon avis, un intérêt national qui débouche sur un isolement total n'est pas un intérêt national".
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